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Secours Populaire 81

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Blog du Secours Populaire Français du Tarn


Les vieux jours heureux perdent leur assurance : Pensions. Les "seniors", nouvelle génération précaire.

Publié par secours populaire 81 sur 10 Août 2011, 16:36pm

Catégories : #Infos SPF Tarn

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   Fini le stress du travail. Vive les plages de sable fin et la dolce vita ! À en croire la plupart des médias et des publicités, les retraités – ou plutôt les "seniors" – seraient toujours entre deux avions et entre deux fêtes à Marrakech ou à Saint-Barth’. "Nous avons créé littéralement un âge d’or de l’existence […]. Les retraités […] jouissent d’une liberté, à l’image de ce que les utopistes sociaux pouvaient se faire d’une société d’abondance et de lutte contre la rareté", se réjouissait dans un grand hebdomadaire Marcel Gauchet, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales *. Ces points de vue optimistes peuvent trouver une inspiration dans une récente étude du Credoc, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie. Dans un document publié mi-mai, l’organisme considère les retraités comme "un marché à prendre" et se réjouit de ce que le troisième âge serait une "cible commerciale qui pourrait consommer beaucoup plus". Les retraités d’aujourd’hui sont presque sommés de vivre leur "âge d’or".

Le raisonnement statistique est redoutable : les moyennes empêchent parfois d’observer des inégalités persistantes et bien réelles. Il existe de grandes différences entre retraités. Par exemple, les ouvriers vieillissent plus mal que les cadres. Leur espérance de vie est de 76 ans seulement. Ce sont six années de moins que les cadres supérieurs. En plus, ils souffrent généralement d’une incapacité physique dès l’âge de 59 ans, alors que les cadres supérieurs restent en forme jusqu’à 69 ans **. Les retraités sont 1,2 million à percevoir des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, soit moins de 902 euros par mois. "J’entends souvent parler des retraités dans leur ensemble comme s’il n’y avait jamais eu de différences lorsqu’ils étaient salariés, annonce François Hun, secrétaire général adjoint de la fédération des retraités CFDT. Entre la retraite d’un cadre d’une grande entreprise et celle d’une femme seule qui a travaillé par intermittence dans des petites ou moyennes entreprises, par exemple, il y a un monde." L’écart se fait particulièrement ressentir depuis l’année 2008 puisque la revalorisation des pensions n’a pas compensé la hausse des prix : "Cette année-là a été catastrophique avec la flambée des prix du chauffage, des transports, des denrées alimentaires. C’est encore plus dur pour les pensions basses", déclare ce bouillant retraité, ancien permanent syndical de la chimie. Ces coûts viennent s’ajouter à l’énorme augmentation des soins et du logement. 

"L’âge d’or" semble une utopie bien lointaine pour Marie Maugin ou les époux Camelo, des retraités d’Angers. Marie a 69 ans et connaît bien l’Afrique. Elle y a enseigné pendant quatre ans dans les années 1960. Une fois revenue dans le Maine-et-Loire, elle a mené une carrière de garde d’enfants à domicile. Son emploi lui permettait de s’occuper de son fils handicapé. "Pour gagner le Smic, il aurait fallu que je m’occupe de quatre enfants pendant 8 heures par jour. C’était impossible. Mon activité apportait en réalité un salaire d’appoint", analyse-t-elle. Aujourd’hui, elle perçoit seulement 650 euros par mois, grâce à un dispositif appelé le minimum contributif. "Je m’habille grâce au Secours populaire. C’est lui aussi qui m’a permis de partir une semaine en vacances, l’été dernier. Sinon je sors, mais je vais au cinéma ou au spectacle seulement si mes enfants m’invitent." Séparée, propriétaire à la suite d’un héritage, Marie a dû faire des petits boulots pour boucler les fins de mois pendant cinq ans après son départ en retraite, à l’âge de 62 ans. "Pourtant, tout être humain devrait avoir de quoi vivre", conclut-elle. Marie-Thérèse et Charles Camelo ont passé leur vie active hors de France. Ingénieur et journaliste, ils perçoivent seulement l’allocation solidarité vieillesse de 708 euros. Marie-Thérèse travaille parfois quelques heures dans un hôtel d’Angers : "Nous vivons au jour le jour. Il faut tout contrôler : on ne fume pas, on ne boit pas, on n’achète pas de nourriture déjà préparée et on répare tout pour que ça tienne le plus longtemps possible. Lorsqu’il a fallu s’acheter une machine à laver, on a attendu les soldes. Notre vie, c’est lutter, toujours lutter !"

Le chômage grignote le revenu des retraités

Ces retraités précaires ne sont plus des exceptions constatent les responsables du Secours populaire. "Les pensions de retraites n’augmentent pas aussi vite que les dépenses comme celles du logement. À un moment, ça coince forcément", indique Françoise Bouvier du SPF d’Angers. Alors, pour améliorer l’ordinaire, les bénévoles ont organisé en 2009 une semaine de vacances pour les personnes âgées. Au Mans, Dominique Desarthe, la responsable du SPF s’inquiète aussi : "La pauvreté chez les retraités est un phénomène en augmentation. Il y a cinq ans, 2% des bénéficiaires de nos aides alimentaires étaient des retraités. Maintenant, ils représentent 5% des personnes que nous accueillons. Ils ont trop longtemps été perçus comme des nantis dans une société où les conditions de travail se durcissaient. Personne ne s’est vraiment préoccupé des nouveaux retraités, ceux qui ont connu des périodes de chômage." Le constat est le même pour le réseau Alerte qui réunit plusieurs associations de lutte contre la pauvreté. En avril dernier, fort d’une enquête menée parmi 3.500 de ses membres et avec des données des centres communaux d’action sociale, Alerte a interpellé les pouvoirs publics sur le risque de paupérisation des retraités. "Les gens qui arrivent à la retraite ont exercé leur vie professionnelle en dehors des Trente Glorieuses. Ils vont bientôt apparaître de façon importante dans les statistiques", explique Jean-François Serres, secrétaire général des petits frères des Pauvres. Au début de la décennie 2000, le niveau de vie moyen des retraités était inférieur de 2% seulement de celui des actifs, une fois intégrés les revenus du patrimoine. Mais le grand mouvement de rattrapage du niveau de vie des retraités est maintenant arrêté. "On oublie que la baisse de la pauvreté est liée pour l’essentiel à la baisse de la pauvreté des personnes âgées, grâce à la mise en place de la protection sociale en 1945 qui a commencé à produire ses effets en 1970. Ce phénomène est en train de se retourner avec la mise en oeuvre de la réforme des retraites Balladur en 1993, dont on commence à voir les effets 15 ans plus tard", résume Patrick Dugois, délégué général d’Emmaüs France ***. Pour l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, la mesure phare de la réforme – c’est-à-dire le calcul de la pension à partir des 25 meilleures années de salaires et non plus à partir des 10 meilleures – n’a atteint sa pleine mesure qu’en 2008. Depuis 1987, le système de retraite a subi de profondes modifications de manière ininterrompue : la réforme des régimes complémentaires à la fin des années 1990, la réforme Fillon de 2003 ou, en 2009, le durcissement des conditions pour les femmes d’obtenir une bonification de leur pension pour compenser l’impact de la naissance de leurs enfants sur leur carrière. "En l’absence de ces réformes, les pensions devraient être plus élevées de 20 à 25%", estime le sociologue Nicolas Castel, du Centre d’étude de l’emploi. À défaut de pouvoir compter sur une solidarité nationale réformée, les retraités précaires s’adressent de plus en plus aux associations humanitaires.

* L’Express, 15-4-2010.
** La "double peine" des ouvriers, Ined, janvier 2008.
*** Là-bas si j

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